Le livre Neuf Mois au Paradis d'Alfred Tomatis, en particulier le chapitre 5 intitulé "Maman Bonheur", offre une exploration profonde de la relation prénatale entre la mère et l'enfant. Ce chapitre redéfinit le fœtus non pas comme une entité passive, mais comme un participant actif à un lien symbiotique, façonné par le son, le toucher et la connexion psychologique. Tomatis met l'accent sur la voix de la mère en tant qu'influence fondamentale, sur l'utérus en tant que havre acoustique et sur la conscience naissante du fœtus. Ce billet résume ces idées et met en lumière la façon dont les expériences prénatales, en particulier l'interaction avec la mère, jettent les bases du développement ultérieur.
La dualité mère-enfant
Tomatis remet en question la vision dépassée du fœtus, considéré comme un corps étranger opposé à la mère. Il présente au contraire la grossesse comme un partenariat unifié, où la mère et l'enfant forment un duo inséparable. Le fœtus est décrit comme un "jumeau" de la mère - une scissiparité, ou division de soi, qui se manifeste comme une extension vivante de son corps. Ce lien permet à la mère de revivre ses propres origines, une "réminiscence" ou une "reviviscence" de son passé prénatal, alors qu'elle fait naître une partie d'elle-même pour l'offrir au monde. Le fœtus, quant à lui, est reconnu comme un être humain avec des droits inhérents, possédant un psychisme et la capacité d'entendre et de reconnaître la voix de la mère depuis le ventre de sa mère.
Cette communication commence très tôt, lorsque les femmes enceintes s'adressent spontanément à leur enfant à naître. Elles interprètent les mouvements du fœtus - coups de pied ou déplacements - comme des messages et répondent à haute voix par des remarques telles que "Ah, tu n'es pas content !" lorsque l'activité de l'enfant perturbe leur repos. Tomatis suggère que ce dialogue, mené par la voix de la mère, favorise un attachement puissant, faisant allusion au rôle de la voix en tant que lien principal entre eux.
La voix, une force qui façonne la vie
La voix de la mère apparaît comme un élément essentiel du développement prénatal. Tomatis la considère comme un "transfert de comportement et d'attitude", une empreinte essentielle qui façonne le corps et l'esprit du fœtus. Cette voix agit comme le "la original" d'une symphonie, accordant l'oreille de l'enfant et façonnant son entrée en communication avec le monde. Une voix chaleureuse et bienveillante encourage la croissance, l'acquisition du langage et l'intégration sociale, guidant le fœtus vers la vie. À l'inverse, un ton dur ou agressif peut entraver le développement, empêchant l'enfant d'accéder à la programmation de haut niveau nécessaire à son épanouissement.
La vie quotidienne influence la qualité de cette voix. Le fœtus est sensible à la "météorologie" émotionnelle de la mère - le stress, la tension ou les conflits conjugaux déclenchent des changements hormonaux, notamment l'adrénaline et le cortisol, qui affectent l'enfant. Tomatis distingue trois réactions corporelles au stress : nerveuse (via le cerveau ou le système sympathique), sanguine (transportant les hormones de stress) et endocrinienne (libérant des agents anti-stress tels que la cortisone pour donner de l'énergie et stabiliser l'humeur). La réponse endocrinienne, plus lente, bien que moins immédiate, offre un large soutien, ayant un impact sur le fœtus et soulignant la nécessité de protéger la mère d'un stress excessif pendant la grossesse.
L'environnement acoustique de l'utérus
L'utérus est loin d'être silencieux. Tomatis le décrit comme une "fournaise de sons", remplie du flux et du reflux des liquides amniotiques, de la digestion de l'estomac, des gargouillis intestinaux, des mouvements de la bile, de la circulation de l'air dans les poumons et, occasionnellement, de bruits inhabituels. Ces sons, mesurables mais filtrés, peuvent submerger une oreille non protégée et susciter des fantasmes ou des peurs. Lorsqu'ils sont excessivement pathologiques - trop forts ou perturbateurs - ils contournent le filtre auditif du fœtus, laissant des traces durables qui peuvent contribuer à des problèmes psychologiques futurs.
Il existe un consensus sur le fait que le fœtus est immergé dans un bain acoustique constant, mais Tomatis affirme que cet environnement ne définit pas à lui seul l'expérience du fœtus. Le fœtus écoute activement, ne retenant que ce qu'il choisit d'entendre. Cette attention sélective est évidente lorsque les adultes, exposés à des conditions sonores intra-utérines (y compris la voix de la mère lorsque c'est possible), reviennent à des comportements fœtaux - se recroqueviller, sucer leur pouce ou adopter des positions fœtales. Leurs dessins, détaillés dans les chapitres suivants, reflètent la vie prénatale, prouvant l'engagement du fœtus dans son environnement sonore.
Le pouvoir de la voix maternelle
La voix de la mère, amplifiée pour reproduire les conditions intra-utérines, produit des réactions physiques remarquables. Les adultes présentent des sensations oubliées, ce qui suggère une empreinte profonde propre au son, bien au-delà des images ou des photos. Cette "syntonisation" volontaire du fœtus indique un désir d'intégration, transformant la sensation en perception. Les enfants ayant des difficultés intellectuelles peuvent ne dessiner que des cercles utérins répétitifs, ce qui témoigne d'une intégration limitée, tandis que ceux qui ont des capacités plus élevées produisent des représentations prénatales complexes, preuve d'expériences absorbées.
Tomatis postule que le fœtus n'écoute pas en permanence, mais qu'il réagit de manière sélective aux signaux maternels -intonations, soupirs ou mots qui lui sont destinés. Cet effort pour "localiser" les sons marque le passage d'une écoute passive à une perception active, une recherche de sens. Une voix aimante et tendre devient un "Eldorado", un paradis prénatal de connexion, qui favorise la résilience. Même dans des conditions défavorables, revisiter ce paysage sonore idéal grâce aux techniques de l'"oreille électronique" permet d'écraser les souvenirs négatifs et de rétablir l'équilibre.
Le paradis prénatal et son héritage
Ce "Nirvana" prénatal laisse une trace indélébile. La voix de la mère peut prédisposer un enfant à la musique (par exemple, d'une chanteuse d'opéra) ou aux langues (d'un polyglotte), bien que les parcours individuels puissent altérer ces dons. Le fœtus, immergé dans "l'âge d'or" de la voix maternelle, conserve cette empreinte malgré les difficultés ultérieures. Tomatis conclut que cette capacité d'écoute - heureusement universelle - offre une raison de persévérer, en enracinant la résilience humaine dans l'étreinte acoustique de l'utérus.
Neuf Mois au Paradis présente la période prénatale comme un dialogue formateur, où la voix de la mère et l'attention du fœtus façonnent un lien qui durera toute la vie. Cet héritage, exploré par le son et le symbole, souligne le rôle de l'utérus en tant que berceau de la perception et de la force.
Référence : Tomatis, Alfred. Neuf Mois au Paradis : Histoire Prénatale. Disponible à l'adresse : https://www.amazon.com/Neuf-mois-paradis-Histoire-pr%C3%A9natale/dp/B003Z0POV2.