Les échos de l'utérus : Les idées de Tomatis sur l'évolution de l'audition

Représentation numérique d'un fœtus dont le cordon ombilical est incandescent, symbolisant l'exploration par Tomatis du développement auditif prénatal.


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Le livre Neuf Mois au Paradis d'Alfred Tomatis plonge dans le monde complexe du développement sensoriel prénatal, avec un chapitre fascinant intitulé "Dans l'aquarium" qui explore l'évolution de l'audition par le biais d'analogies biologiques. Ce chapitre examine comment les systèmes auditifs des poissons, en particulier la vessie natatoire du poisson rouge (Cyprinidae), offrent des indices sur les mécanismes auditifs humains, y compris l'expérience du fœtus dans l'utérus. Tomatis remet en question les interprétations simplistes, en mettant en lumière la manière dont le corps filtre les sons internes et les implications pour la perception auditive prénatale et tout au long de la vie.

La vessie natatoire : Une chambre de résonance ?

Tomatis commence par une comparaison intrigante entre les poissons rouges modernes et leurs ancêtres cyprinidés, en notant la présence d'une grande vessie natatoire, un organe rempli de gaz dans leur abdomen. Certains biologistes considèrent cet organe comme un réacteur de propulsion permettant de se déplacer rapidement dans un aquarium, tandis que d'autres estiment qu'il s'agit d'un prototype précoce de l'oreille humaine. Les poissons rouges entendent généralement jusqu'à 600 hertz, mais les cyprinidés peuvent détecter des sons allant jusqu'à 13 000 Hz, réagissant à la moindre tape sur leur aquarium. Cela suggère que la vessie natatoire pourrait amplifier les sons entrants, agissant comme une chambre de résonance - une hypothèse qui séduit par son élégance.

Tomatis met toutefois en garde contre une simplification excessive. La vessie natatoire est reliée à l'oreille interne par trois vertèbres : une qui touche la vessie, une autre en position médiane et une troisième qui fait le pont avec l'oreille. Ce lien direct est frappant, ce qui a incité certains à comparer ces vertèbres à la chaîne ossiculaire humaine (les minuscules os de l'oreille moyenne). Cependant, Tomatis rejette l'idée que ces vertèbres fonctionnent comme des osselets auditifs, comme l'a proposé le zoologiste Weber au XIXe siècle. Il affirme qu'un tel mécanisme créerait un bruit insupportable - semblable au chaos de la digestion ou de la mastication - qui pourrait conduire le poisson à la surdité ou à la folie s'il n'était pas filtré.

Filtrage du bruit interne

L'oreille humaine, comme celle du poisson, est confrontée à un défi similaire : gérer les sons internes. Tomatis explique que l'oreille moyenne, liée à la chaîne ossiculaire, supprime activement ces bruits. Lorsque les sons proviennent d'organes internes tels que la vessie natatoire ou l'estomac humain, les trois petits os - le malléus, l'incus et l'étrier - les contrecarrent par une subtile différence de phase. Les interférences sont ainsi annulées, ce qui permet de percevoir clairement les sons externes, comme une conversation à table, alors que les gargouillis internes passent inaperçus, à moins que quelqu'un ne soit grossièrement inattentif.

Ce mécanisme de filtrage s'étend à d'autres espèces. Les têtards, par exemple, possèdent une sonde reliant le cœur et les poumons à l'oreille interne, absorbant les bruits nocifs d'une manière parallèle à la fonction ossiculaire. Chez l'homme, les vaisseaux sanguins situés près du tympan régulent la pression, mais leur "boum, boum" rythmique peut être faiblement entendu au repos, atténué par des mécanismes compensatoires. Lorsque ces mécanismes échouent, des vertiges et une sensibilité aux sons inhabituels - bourdonnements ou sifflements - apparaissent, car les bruits internes franchissent la barrière ossiculaire, perturbant l'harmonie auditive de la vie.

Implications auditives prénatales

L'analyse de Tomatis a des implications plus larges pour le fœtus. L'utérus, tel un aquarium, immerge le fœtus dans un paysage sonore constant - mouvements des fluides, grondements digestifs, circulation de l'air dans les poumons et déplacements de la bile. Ces bruits, mesurables mais filtrés, pourraient submerger le fœtus s'ils n'étaient pas atténués, alimentant potentiellement des fantasmes ou des peurs. Les sons pathologiquement intenses peuvent surcharger le filtre auditif du fœtus et laisser des traces psychologiques durables. Tomatis affirme que ce filtrage n'est pas passif ; le fœtus sélectionne activement ce qu'il entend, un processus que l'on retrouve chez les adultes exposés à des conditions sonores intra-utérines.

Lorsque les adultes entendent les sons recréés de l'utérus - souvent la voix de la mère lorsqu'elle est disponible - ils adoptent des comportements fœtaux : ils se recroquevillent, sucent leur pouce ou adoptent des postures prénatales. Leurs dessins, étudiés dans les chapitres suivants, reflètent cette écoute sélective, suggérant que le fœtus se concentre sur des indices significatifs. Cet engagement actif transforme la sensation en perception, une étape essentielle du développement auditif.

Le rôle du pont ossiculaire

Le rôle de la chaîne ossiculaire est essentiel. En créant une différence de phase, elle neutralise les bruits internes, ce qui permet au fœtus de se concentrer sur les sons externes ou maternels. Tomatis compare ce phénomène au "choix d'un menu acoustique", où l'oreille hiérarchise les informations pertinentes. Chez les poissons, les vertèbres ont une fonction similaire, ce qui réfute l'idée qu'elles agissent comme de simples conducteurs de sons. Cette audition sélective commence avant la naissance et détermine la façon dont le fœtus interprète son environnement.

Des parallèles modernes, comme les NeuraSonic Soundscapes introduits en 2011, s'appuient sur cette idée, en utilisant l'audio avancé pour revisiter les expériences auditives prénatales. Bien que postérieurs à Tomatis, ces outils prolongent son exploration, suggérant que le paysage sonore de l'utérus - filtré et choisi - jette les bases de la perception ultérieure.

Héritage évolutif et prénatal

La comparaison entre l'ouïe des poissons et celle de l'homme souligne un trait évolutif commun : la nécessité de filtrer les bruits internes pour obtenir une communication externe claire. La résonance de la vessie natatoire, tempérée par l'action des vertèbres, préfigure la sophistication du pont ossiculaire. Pour le fœtus, ce filtrage permet de se concentrer sur la voix de la mère ou sur des sons significatifs, imprimant une mémoire sensorielle qui persiste. Lorsque ce système est défaillant, en raison d'un stress ou d'une pathologie, il peut entraîner des sensibilités auditives, soulignant le rôle de l'utérus en tant qu'espace acoustique formateur.

Neuf Mois au Paradis révèle que la période prénatale est un creuset de l'évolution auditive, où le fœtus, tel un poisson dans son aquarium, navigue dans un monde riche en sons. Cet héritage, qui fait le lien entre la biologie ancienne et la perception humaine, invite à une compréhension plus profonde de la manière dont nous entendons et nous connectons depuis le tout début.

Référence : Tomatis, Alfred. Neuf Mois au Paradis : Histoire Prénatale. Disponible à l'adresse : https://www.amazon.com/Neuf-mois-paradis-Histoire-pr%C3%A9natale/dp/B003Z0POV2.


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